Après une partie narrative décrivant les
peines et les joies vécues au long
de quatre itinéraires à travers la solitude, celle-ci fait
l’objet d’une série d’analyses en rapport avec l’évolution des structures
sociales et des modes de communication, et la troisième partie du dossier
propose des développements portant sur les dimensions spirituelles de la
solitude.
Seul,
avec la terre et le ciel en partage (Jean-Marie Kohler)
La douloureuse béatitude d’un exclu : humble
parmi les humbles, il avait pour premiers compagnons la terre, les arbres, les
animaux, et des enfants. Laissé de côté par la société, il se savait habité par
une force qui le gardait disponible à autrui et heureux en dépit de tout. Parce
que unique et libre, l’homme vit seul de sa naissance à sa mort, mais il ne
devient homme et ne peut le rester que grâce aux autres qui peuplent sa
solitude et la transforment en communion.
Chantal et Antoine, solitude à
l’hôpital psychiatrique (Philippe)
Dans ce lieu largement
stigmatisé, Philippe nous raconte deux parcours étonnants ; celui de
Chantal qui sait que son amour viendra la chercher et qui attend ce moment depuis
trente ans sans se soucier d’autre chose, et celui d’Antoine qui déborde de
manifestations d’affection dans l’espoir de quelques rayons de soleil en
retour.
L’appel de la solitude (Daniel Duigou)
Inspiré dès son
jeune âge par la lecture de Charles de Foucauld, Daniel Duigou -psychanalyste,
journaliste et prêtre - a quitté la ville pour un ermitage perdu au Maroc. Ce
n’est pas pour mourir qu’il a "quitté", mais pour se réaliser
dans son existence d’homme. Chacun de nous est appelé à réinterpréter sa vie
selon une coupure qui sépare et donne naissance. Quelles sont nos difficultés
pour vivre la séparation et gagner notre autonomie ?
La solitude en France aujourd’hui (Lucienne Gouguenheim)
Une récente enquête
de la Fondation de France a révélé que 5 millions de personnes sont
actuellement touchées par la solitude (peu ou pas de relations sociales dans
les divers réseaux habituels de sociabilité), ce qui représente 2 millions de
plus qu’en 2010. Analyse des principaux facteurs de la solitude, des lieux où
elle progresse, des solutions pour en sortir - avec en exemple Les jardins partagés et La réhabilitation de logements par les
habitants eux-mêmes.
Seul dans la foule et dans la ville (Georges Heichelbech)
Une des
principales mutations en cours réside dans le passage de la société
communautaire traditionnelle à une société individualiste urbaine, où l’individu
échappe à la pression du groupe. La solitude n’est pas simplement le fait de vivre seul,
mais plutôt le sentiment de ne pas être reconnu, de ne compter pour personne,
d’être rejeté par les autres. Comment créer de la mixité et
du lien social dans les banlieues et les cités dortoirs ? Question de
moyens, mais aussi de volonté.
La
solitude à l’époque des nouvelles technologies de l’information (Anthony Favier)
La « révolution » numérique change la
communication dans nos sociétés, mais elle ne parvient pas toujours à remédier à
la solitude. Il ne suffit pas de se rassurer par le contact avec un grand
nombre de personnes soigneusement tenues à distance ! Ces relations s’avèrent
souvent inconsistantes. La solitude numérique nous renvoie à nos propres lignes
de fractures sociales et nous rappelle que la justice et la dignité vont au delà
de la satisfaction des besoins matériels. Comment passer du repli à l’ouverture
sur la sociabilité numérique ?
Solitude au soir de la vie (Réjane Harmand)
Vers la fin de
leur vie, beaucoup éprouvent le besoin de reconsidérer ce qu’a été leur
existence, les étapes parcourues et les changements intervenus, afin de se
centrer sur l'essentiel. Que de certitudes abandonnées pour de nouveaux
horizons ! Donner un sens à ma vie, donner un sens à ma mort… Bien que
prévisible, le départ de ceux que l’on aime représente toujours un
bouleversement, une souffrance qui peut nous isoler, mais qui peut aussi nous
ouvrir et nous aider à avancer.
Bienheureuse solitude... (Françoise Gaudeul)
La solitude
semble être la cause de tous les malheurs pour les uns, tandis qu’elle
représente le seul remède à la douleur de vivre pour les autres. Dans certaines
traditions, elle est le passage obligé vers la communication universelle. Elle
s'apprend, elle est conquête personnelle pour une rencontre avec soi-même, avec
l'autre, avec un être transcendant, avec Dieu…
La solitude : malédiction ou vertu ? (Jean-Paul Blatz)
Les théologiens
juifs et chrétiens ont cherché à donner sens à la solitude, à y remédier ou à
en faire une vertu. De la solitude de l’homme dans le Premier Testament à celle
que Jésus a lui-même recherchée ou subie, puis à la solitude de ses disciples invités
à vivre dans la fraternité, nous sommes amenés à trouver Dieu dans la
communauté, et Il nous conduira vers la solitude !
La solitude dans d’autres cultures et
religions (Jean-Pierre
Schmitz)
Le besoin de
solitude est évoqué dans de multiples textes religieux et philosophiques partout dans le monde. L’isolement et la
solitude sont deux choses différentes. En Extrême-Orient, la densité des foules
semble exclure la solitude. Mais Bouddha a enseigné que la véritable solitude
est intérieure, et Lao Tseu a dit que l’homme sage a besoin d’être seul pour
embrasser sa solitude et réaliser son unicité avec tout ce qui est.
L’être humain, pèlerin solitaire (Jean-Bernard Jolly)
« Nu je suis
sorti du ventre de ma mère, nu je retournerai à la terre. » Evocation du
dénuement et de l’isolement de l’homme, de sa naissance à sa mort, dans le
livre de Job. Chaque pèlerin solitaire mène sa vie dans le rapport aux autres.
Rapport original vécu entre la conscience de l'individu et la contrainte du
groupe. Il revient à chaque être humain de faire pour lui-même le choix de sa
vie, sans se laisser aliéner par les conditionnements sociaux et les rites.
Françoise Gaudeul